Dans le cadre du Fonds national pour la démocratie sanitaire, le réseau Wresinski Santé d’ATD Quart Monde a rassemblé un groupe de militants Quart Monde santé-sentinelle, afin de produire des connaissances, des évaluations et des préconisations en lien avec la pandémie de Covid-19. Quatorze militants Quart Monde de Lyon, Saint-Étienne, Montpellier, Nancy et Toulouse se sont ainsi réunis à deux reprises au cours du mois d’août pour réfléchir à l’impact de la vaccination et du pass sanitaire sur les personnes en situation de pauvreté.
Les difficultés rencontrées pour accéder à la vaccination au printemps dernier se sont aujourd’hui estompées. Après avoir été confrontés à des centre de vaccination trop éloignés de leur domicile ou à des modalités de prise de rendez-vous peu adaptées, notamment sur internet, les militants Quart Monde du réseau santé-sentinelle sont désormais quasiment tous vaccinés. Les rendez-vous peuvent cependant encore prendre du temps dans certaines villes, comme à Nancy, selon leurs retours. “L’attente était longue, j’ai abandonné la démarche”, a précisé un militant Quart Monde.
Les personnes opposées aux vaccins, minoritaires dans ce groupe, évoquent avant tout leur peur “vis-à-vis des informations qui circulent et qui sont contradictoires et angoissantes”, notamment sur les effets secondaires.
“Ne pas être hors-la-loi”
Concernant le pass sanitaire, les quatorze militants Quart Monde du groupe santé-sentinelle sont divisés. La plupart comprennent sa mise en place ou ont accepté par obligation de l’avoir. “Je l’ai fait pour ne pas être hors-la-loi, sinon ça va me coûter encore cher”, a témoigné l’un d’eux. D’autres trouvent que ce pass sanitaire est inutile et soulignent que personne ne leur a jamais demandé de le présenter. “Je ne vais jamais au resto, aux cinémas. Je ne sais pas à quoi ça va me servir”, a souligné un militant Quart Monde.
Le pass sanitaire est jugé “rassurant” par certains et “discriminant” par d’autres. Des militants Quart Monde ont ainsi regretté les difficultés rencontrées par les personnes sans domicile fixe pour faire leurs courses dans des grandes surfaces. Plusieurs personnes entendues ont également souligné “l’injustice de devoir se faire vacciner pour éviter un licenciement ». « On continue à ne pas considérer les travailleurs de la santé les plus modestes. […] On est en train de mettre les gens dans des cases encore plus qu’avant”, a réagi un militant Quart Monde.
Méfiance vis-à-vis des autres
Beaucoup d’entre eux ont en outre estimé que la mise en place du pass sanitaire ne réduisait pas la peur et la méfiance vis-à-vis de l’autre : “Face aux personnes vaccinées qui ne respectent plus les gestes barrières, on a encore plus peur.” “J’ai encore peur, quand je vais dans un restaurant, je ne peux pas savoir si les gens ont le pass, il y a peut-être des gens qui passent à travers, j’ai toujours peur de l’attraper”, ont-ils précisé.
Plusieurs membres de ce groupe ont également fait part de leur colère face à ce qui constitue, selon eux, une “perte de liberté”. Ils ont évoqué une “sensation d’étouffement” et “une envie de transgresser les règles pour garder leurs droits à la liberté et leur solidarité envers ceux qui sont exclus à cause du pass sanitaire”. Certains ont ainsi témoigné : “Je trouve triste de montrer mon pass et de voir que d’autres personnes qui ne l’ont pas derrière moi ne peuvent pas rentrer”, “pour être solidaire avec ceux qui ne l’ont pas, je ne montre pas mon pass.”
Des militants Quart Monde ont, au contraire, défendu la mise en place du pass sanitaire. Ils ont même exprimé de la colère face aux personnes choisissant de ne pas se faire vacciner. “Il faut les obliger ou les confiner”, ont estimé certains.
Le réseau santé-sentinelle a ainsi constaté “un grand problème de communication, comme si on ne parle plus la même langue, au risque d’une rupture sociale et même de rupture au sein de la famille”. La question de la vaccination et du pass sanitaire entraîne “de nouvelles exclusions, entre nous”, selon les militants Quart Monde, Ils ont donc préconisé une amélioration de la communication de la part des institutions, qui doit impérativement prendre en compte les craintes et les questionnements des personnes en situation de pauvreté, comme de l’ensemble de la population. Julie Clair-Robelet