Le département Santé d’ATD Quart Monde a mené depuis un an une enquête sur la qualité de l’air dans les logements insalubres. Cette étude alerte sur l’exposition à la pollution de l’air pour les personnes en situation de précarité.
Lorsque les membres du Laboratoire d’idées Santé d’ATD Quart Monde ont commencé à s’intéresser à la qualité de l’air intérieur, ils n’imaginaient pas que, quelques mois plus tard, tout le monde serait enfermé chez soi en raison du confinement. Leur questionnement est alors devenu d’autant plus un sujet d’actualité. La question de l’exposition aux polluants de l’air intérieur est en effet moins connue que celle de l’air extérieur.
“Relativement peu d’études ont été réalisées ou rendues publiques sur ce thème et elles comprennent rarement dans leur échantillon des personnes en situation de pauvreté, alors même que ce sont souvent les plus pauvres qui sont les plus exposés”, explique Delphine Mion, l’une des auteures de l’étude, membre du Département Santé.
Un air plus pollué à l’intérieur
Le Laboratoire d’idée Santé, composé d’une dizaine de militants Quart Monde ayant connu ou connaissant la précarité et quelques alliés, s’est d’abord interrogé sur la notion de “logement habitable”. “Ces personnes et leurs proches passent une grande majorité de leur temps dans ces espaces clos qui les hébergent et qui sont bien souvent de mauvaise qualité. Or de manière générale, l’air intérieur est plus pollué et de manière bien plus complexe qu’à l’extérieur”, souligne Delphine Mion. Avec le service communal d’hygiène et de santé de la ville de Bagnolet, en Seine-Saint-Denis, ils ont ensuite pu accéder à 17 logements jugés insalubres par leurs occupants. Des mesures de concentration de plusieurs polluants, de température et d’humidité ont été prises.
“Cette étude a mis en exergue des niveaux assez alarmants de qualité de l’air intérieur par rapport aux recommandations émises par l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) et l’Organisation mondiale de la santé dans 12 des 17 logements visités”, constate Delphine Mion. La santé des personnes y est donc potentiellement menacée, d’autant plus que les locataires étaient souvent déjà fragiles, avec notamment des problèmes cardio-respiratoires.
Double peine
Alors, que faire ? Les personnes concernées étaient “généralement peu au courant des problématiques de qualité de l’air , quel que soit leur niveau d’éducation ou de revenu”, selon l’étude. Certains signes étaient visibles, comme des moisissures ou des odeurs désagréables, mais il reste difficile de concevoir cette pollution que l’on ne voit pas directement. Devrait-on alors mettre en place de la sensibilisation ?
“Ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’on n’est pas tous concernés de la même manière par la multi-exposition à la pollution de l’air et surtout qu’on n’a pas tous les mêmes outils en main pour s’en prémunir. Quand on ne peut pas sortir de chez soi, ou quand on habite dans une cave ou près d’un échangeur routier, c’est compliqué d’ouvrir les fenêtres. C’est donc la double peine de savoir qu’on s’empoisonne en respirant et qu’on ne peut rien faire contre cela”, précise Delphine Mion.
Lutter contre l’habitat insalubre
Cette étude exploratoire alerte donc sur cette question de pollution de l’air intérieur et ouvre des pistes en termes d’évaluations des risques et de travail de prévention dans ce domaine. “Les plus pauvres peuvent être des lanceurs d’alerte, donc on peut progresser grâce à eux sur ces questions de santé environnementale”, affirme Delphine Mion. Les membres du Laboratoire d’idées Santé rappellent en outre que “la priorité est de lutter contre la mise en location d’habitats qui ne permettent pas de rester en bonne santé, pas de mettre en cause leurs habitants qui sont très rarement responsables de cette situation”.
Ils tiennent également à souligner que “les personnes ne sont pas déplaçables au gré des procédures. Elles préfèrent parfois continuer à vivre dans un logement insalubre, plutôt que de devoir être relogées dans un autre quartier”. L’objectif est désormais de prolonger cette étude en prenant en compte davantage de polluants et sur des durées plus longues chez des ménages en grande pauvreté. Julie Clair-Robelet
Retrouvez le rapport “Un toit, ma santé et moi”.
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