Le collectif Construire ensemble la politique de l’enfance, dont fait partie ATD Quart Monde, a annoncé le 11 mai le lancement d’une “nouvelle campagne d’action en faveur de l’enfance”, avec notamment l’organisation d’un forum, le 3 juin à Paris. Ses membres dénoncent l’inertie du gouvernement et demandent la création d’un ministère dédié à l’enfance.
“Il y a un an, nous publiions le livre Enfance, l’état d’urgence. Si nous devions le republier aujourd’hui, le titre serait ‘l’état d’extrême urgence'”, affirme Françoise Dumont, présidente d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme, en introduction de la conférence de presse du collectif CEP-Enfance, à Paris, jeudi 11 mai 2023. Sur la centaine d’associations que compte ce collectif créé en 2014, huit se sont réunies pour annoncer un forum, le 3 juin, sur le thème “Comment porter une politique favorable aux enfants ?” et pour pointer “le marasme” auquel sont confrontés aujourd’hui l’ensemble des secteurs de l’enfance, que se soit l’éducation, la petite enfance, la protection de l’enfance, la pédiatrie ou encore la pédopsychiatrie.
“Comment, aujourd’hui, une des plus grandes puissances mondiales peut-elle encore priver ses enfants de leurs droits fondamentaux ? Notre collectif constate des points de convergence dans tous les secteurs, qui ressentent l’abandon”, affirme ainsi Martine Maurice, membre de l’association Enfance et musique.
Malgré les nombreuses interpellations des pouvoirs publics par le collectif CEP-Enfance ces dernières années, mais aussi les multiples rapports du Défenseur des droits et de l’Inspection générale des affaires sociales, dénonçant notamment les maltraitances subies par les enfants, les professionnels “désespèrent d’être vraiment entendus par les pouvoirs publics”, souligne Françoise Dumont. “Toutes ces carences contribuent à ce que, pour beaucoup d’enfants, l’accès aux droits fondamentaux, est menacé”, dénonce-t-elle.
Indigence des services publics accessibles aux plus pauvres
Un constat partagé par Céline Truong, responsable du département Petite enfance-Famille d’ATD Quart Monde. Elle estime que tous les constats évoqués par les différents professionnels de l’enfance “sont encore plus critiques pour les enfants qui vivent en situation de pauvreté”. “Même si les parents repèrent ce dont leurs enfants ont besoin, ils ne peuvent souvent pas y répondre de façon adéquate, à cause de leur propres difficultés liées à la pauvreté, qui sont de plusieurs ordres, et de l’indigence des services publics qui leur sont accessibles”, précise-t-elle.
Pour la volontaire permanente d’ATD Quart Monde, “face à la maladie et au handicap, aux difficultés éducatives ou de logement, mais aussi au besoin de culture, de beau et de joie, là où les services publics ne sont pas à la hauteur, les plus pauvres n’ont pas moyen de contourner la carence de l’offre publique. Ce sont leurs enfants qui en paient le prix. C’est eux qui en souffrent le plus, le plus tôt et avec les conséquences les plus durables”. Elle explique ainsi que des services publics “de qualité, accessibles et gratuits sont le seul patrimoine de ceux qui n’en ont pas”. C‘est pourquoi le CEP-Enfance demande notamment, parmi ses “dix exigences”, la mise en place, “dans les cinq ans, de la gratuité de l’ensemble des services publics pour les enfants”.
Nécessité d’un accompagnement individualisé
Mais Céline Truong rappelle que “l’existence même des structures publiques ouvertes à tous n’est pas suffisante en soi pour que les enfants et leur familles en bénéficient à la hauteur de leurs besoins”. De nombreux parents en situation de pauvreté “évitent de s’exposer avec leurs enfants aux regards de professionnels”, se méfient de l’aide proposée, “tant elle est parfois pas ajustée ou à des conditions inacceptables pour eux”, décrit-elle. Un accompagnement individualisé des parents et de l’ensemble de la famille est donc souvent nécessaire pour éviter le non-recours aux aides et aux structures censées être ouvertes à tous. “Savoir être accueillants pour tous les publics y compris les plus précaires, les plus farouches, ce n’est pas une mince affaire”, précise la responsable du département Petite enfance-Famille.
Pour pointer la nécessité de ne pas dissocier l’enfant de sa famille, elle prend pour exemple “le lourd tribut payé par les enfants du fait de la pauvreté de leurs parents” lors des expulsions locatives. “Bien sûr, un squat, un bidonville, un logement insalubre, ne sont pas des lieux de vie souhaitables pour un enfant. Mais, là où ils étaient, ces parents et ces enfants avaient parfois tissé des liens, avec les voisins, les associations, les travailleurs sociaux, les enseignants. Ces liens qui font qu’on existe au regard de l’autre, qu’on est reconnu à l’école, qu’on sait à qui s’adresser quand on a un pépin”, détaille la volontaire permanente. Les expulsions, sans solution de relogement, font ainsi trop souvent “exploser toutes les sécurités de l’enfant”.
Pour une politique “volontariste et cohérente”
Comme l’ensemble des membres du CEP-Enfance, elle invite donc les pouvoirs publics à “se donner les moyens d’une politique volontariste et cohérente en faveur des enfants”, afin de leur donner à tous un accès effectif à des structures d’éducation et d’accueil et à des soins de santé gratuits, à une alimentation saine et à un logement adéquat.
“La politique de l’enfance est éparpillée façon puzzle, parsemée petits bouts par petits bouts dans l’ombre des ministères, sans que personne n’ait jamais pensé à la cohérence qui nous permettra d’assembler les morceaux. Il n’est plus le temps d’attendre. Nous ne pouvons plus laisser se détricoter ce maillage dont les enfants ont besoin pour grandir”, conclut Martine Maurice, qui invite notamment les membres du gouvernement à venir apporter des réponses concrètes au collectif du CEP-Enfance, le 3 juin.
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Photo : Conférence de presse du collectif CEP-Enfance dans les locaux de la Ligue des droits de l’Homme, à Paris, le 11 mai 2023. © JCR, ATD Quart Monde