Dans près de 30 pays, le Bureau International Catholique de l’Enfance (BICE) et ses partenaires locaux aident les populations les plus vulnérables à se reconstruire, à retrouver le pouvoir d’agir. Zoom sur l’action développée à l’est de la République démocratique du Congo, au Nord-Kivu.
Fabienne*, 17 ans, est l’une des jeunes filles accompagnées par un partenaire local du BICE, Cœur sans frontières (CSF). Enlevée à 15 ans alors qu’elle rentre des champs avec ses sœurs, elle est mariée de force avec le chef d’un groupe armé. Est exploitée. Tombe enceinte. Son bébé a un an et demi quand elle réussit à s’enfuir. Après plusieurs heures de marche, de nuit dans la brousse, elle arrive dans son village, épuisée, malnutrie. Mais l’accueil est glacial. “Mon enfant et moi, nous représentions le mal, la honte. Nous avons été rejetés par ma famille, par la communauté. Montrés du doigt.”
En grande détresse psychologique, démunie, c’est auprès de CSF que Fabienne trouve du soutien. Tout comme d’autres jeunes filles, âgées entre 16 et 20 ans, enrôlées comme elle dans des groupes armés ou exploitées dans des maisons closes. Elle bénéficie alors d’un accompagnement psychologique, de soins médicaux pour elle et son enfant, d’activités de résilience… “Cela m’a aidée à retrouver espoir en la vie, à accepter mon enfant que je n’aimais pas jusqu’alors, à m’accepter aussi, confie Fabienne. Et puis, la formation en couture et le matériel nécessaire au lancement de mon activité me permettaient de reprendre ma vie en main.”
Devenir autonomes
Mais voilà que tout juste “reconstruite”, Fabienne doit de nouveau faire face à des difficultés, cette fois liées à la pandémie de Covid-19 et au confinement. “Avec les autres filles, nous n’avions plus de commandes. Nous ne savions plus comment nourrir nos enfants. Certaines se voyaient déjà obligées de retourner dans les maisons de tolérance.” Pour faire face à cette situation alarmante, CSF et le BICE proposent fin 2020 à Fabienne et aux autres jeunes filles de développer, en parallèle de leurs ateliers de couture ou de coiffure, des activités agricoles. L’objectif étant qu’elles soient autonomes sur le plan alimentaire.
Très motivées, elles se lancent rapidement dans la culture du chou, de l’amarante, de l’aubergine et de la tomate dans quatre champs communautaires loués par CSF. Elles décident également d’élever des lapins. “La région de Masisi est très agricole. Toutes ont des connaissances dans ce domaine. C’est leur projet, elles y croient et se serrent les coudes en partageant leur temps de travail entre leurs ateliers et les champs. À terme, quand elles récolteront assez pour vendre, il est prévu qu’elles créent une association villageoise d’épargne et de crédit (AVEC) pour la gestion rationnelle de leurs gains”, explique Sylvain Ndehya, président de CSF. Un bel exemple de résilience. Tiphaine Poidevin BICE
* Le prénom a été changé
Photo : BICE