Communiqué de presse – 8 novembre 2022
A l’occasion de la grève du chômage et alors que le projet de loi « portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi » doit être discuté en commission mixte paritaire ce mercredi 9 novembre, ATD Quart Monde appelle à repenser l’emploi et à trouver des alternatives qui ne stigmatisent pas les personnes privées d’emploi.
En durcissant davantage les règles d’indemnisation des personnes privées d’emploi, ce projet de loi est non seulement injuste, mais aussi inefficace. Comme la réforme de 2021 – dont il vient pérenniser les règles sans même que son impact n’ait été évalué – ce projet de loi repose sur l’idée selon laquelle on favoriserait le retour à l’emploi par le durcissement des règles de l’indemnisation du chômage. Dans un contexte de baisse du chômage en France et de tensions de recrutement dans certains secteurs économiques, ressurgit ainsi l’imaginaire selon lequel le chômeur serait responsable de sa situation et qu’il faudrait donc multiplier les mesures coercitives. Or, rien ne vient prouver que réduire les protections favoriserait le retour à l’emploi.
Pour rappel, les demandeurs d’emploi indemnisés ne représentent que 38 % des chômeurs pour une allocation moyenne de 960 euros par mois. La moitié perçoit moins de 34 euros par jour. Parmi les personnes contrôlées par Pôle Emploi, moins de 10 % sont sanctionnées pour défaut de recherche active. On est loin du mythe des demandeurs d’emplois qui refuseraient de travailler pour « profiter » du chômage.
Au contraire, leur aspiration à travailler est réelle. « L’emploi, c’est une couverture de survie » dit Josiane, travailleuse pauvre qui s’efforce depuis des années et sans succès de sortir de l’emploi précaire.Le projet de loi actuel ne permettra pas aux personnes comme Josiane de voir leur situation changer.En outre, la vision du « plein-emploi » défendue par le gouvernement pour justifier cette réforme de l’assurance chômage occulte la précarisation croissante de l’emploi – que cette réforme vient nourrir – et, en rejetant la responsabilité sur les personnes privées d’emploi, vient faire oubliercelledes employeurs dans les tensions de recrutement.
Au lieu de renforcer sans cesse les contrôles et les sanctions en s’appuyant sur des idées fausses, réfléchissons plutôt aux manières de repenser l’emploi en conciliant économie, écologie et justice sociale. Il est temps de concevoir les politiques publiques en associant les premiers concernés et toutes celles et ceux qui expérimentent depuis des années des solutions sur le terrain. Des projets comme Territoires zéro chômeur de longue durée devraient inspirer les politiques publiques. Il s’agit de mobiliser le coût public du chômage de longue durée pour créer dans les territoires des emplois utiles, dignes et durables qui n’entrent en concurrence avec aucune activité existante. Les personnes privées durablement d’emploi participent à l’élaboration du projet avec tous les acteurs locaux. Nous avions recensé, en 2019 sur l’un de ces territoires, que 98 % des personnes au chômage de longue durée rencontrées étaient intéressées par une telle proposition d’embauche. Une cinquantaine de territoires commencent ainsi à montrer comment il est possible d’atteindre un plein emploi décent.
Pour Jean-Christophe Sarrot, responsable du département Emploi-Formation d’ATD Quart Monde et co-auteur du livre Repenser l’emploi : « Il faut en finir avec cette culpabilisation des personnes privées d’emploi et inverser le discours. La réalité, c’est que les offres qui ne trouvent pas preneurs sont souvent indignes. Si l’on veut parvenir au plein emploi décent, alors il faut réfléchir aux moyens d’augmenter la soutenabilité du travail dans les secteurs en tension et de créer massivement de nouveaux emplois respectueux de l’humain et de l’environnement, accessibles à tous. »
Contact presse
Emilie Perraudin / emilie.perraudin@atd-quartmonde.org / 06 28 61 69 05