La campagne européenne de mobilisation des jeunes, menée par ATD Quart Monde de 2021 à 2023, a soulevé une revendication centrale pour les jeunes : faire connaître et comprendre leurs vécus de pauvreté et d’exclusion ainsi que leurs rêves, leurs réflexions sur le monde et leurs besoins de faire leurs propres choix.
“Qu’est-ce que ça veut dire être jeune avec un parcours de vie difficile aujourd’hui en Europe ?” C’est à partir de cette question qu’une centaine de jeunes de 13 à 30 ans, originaires de dix pays européens, ont travaillé de juin 2021 à avril 2023. La Dynamique jeunesse européenne d’ATD Quart Monde a publié en février dernier le résultat de ces travaux, fruit du savoir construit par les jeunes à partir de leurs expériences.
Au-delà des treize propositions formulées dans ce document, cette mobilisation européenne a avant tout permis “à des jeunes engagés avec ATD Quart Monde et qui ont la vie difficile, de se rencontrer, de se rendre compte qu’ils ne sont pas tout seuls à vivre ce qu’ils vivent et de voir qu’en se mettant ensemble ils peuvent construire des solutions”, explique Martin Deville, animateur de la Dynamique jeunesse France.
Absence de choix
Au fil de leurs rencontres, un thème “totalement invisible dans les institutions” est ressorti très fortement : “leur sentiment de ne pas avoir le choix”. “Leur orientation professionnelle s’est décidée sans qu’on écoute leur projet, ils n’ont pas pu vivre en famille et ont été séparés de leurs parents, de leurs frères et sœurs et/ou de leurs enfants, ils et elles ont dû accepter un hébergement inadapté pour ne pas se retrouver à la rue, etc. Cette dépossession du pouvoir d’agir est une violence, qui limite la capacité des jeunes à reconquérir leurs droits par eux-mêmes”, détaille le document final.
Les participants ont exprimé leur besoin que le monde comprenne ce qu’ils vivent et prenne en compte l’ensemble des dimensions cachées de la pauvreté. “Ça fait deux ans que je suis au chômage et que je cherche un emploi. […] Je n’ai pas demandé à habiter dans un village avec un bus le matin et un bus le soir. Le retour du train c’est 22h. Donc on me dit que je suis une feignante. Tes parents ne veulent pas t’aider, t’as pas de voiture. Le problème, c’est les transports en commun. Il faut trouver un travail pour économiser pour une voiture”, explique ainsi l’une d’entre eux.
Prendre en compte la voix des jeunes
“On a vraiment gagné en connaissance sur ce que les jeunes vivent, ce qu’ils aimeraient vivre et ce qu’ils refusent de vivre”, se réjouit Martin Deville. Qu’ils soient Français, Luxembourgeois, Irlandais ou encore Suisses, les jeunes dénoncent ainsi unanimement les situations de harcèlement et de maltraitance sociale qu’ils et elles subissent.
Ils souhaitent pouvoir réellement participer à la vie sociale et aux espaces de décision et remarquent que la voix des jeunes ayant l’expérience de la pauvreté est très peu entendue et prise en compte. Cette mobilisation a ainsi permis à ATD Quart Monde d’expérimenter les conditions de la participation des jeunes dans les institutions et notamment de “bousculer un peu le Conseil de l’Europe, sur sa manière d’organiser une rencontre dans les murs du Centre européen de la jeunesse”, souligne Martin Deville.
Ces messages portés par les jeunes membres d’ATD Quart Monde vont désormais être diffusés auprès de représentants de différentes institutions et organisations, notamment lors d’une présentation à Sciences Po Nancy, le 27 mars.
Télécharger le plaidoyer : Pour une Europe qui ne laisse aucun·e jeune de côté
Cet article est extrait du Journal d’ATD Quart Monde de mars 2024.
Photo : Les jeunes de la Dynamique jeunesse européenne d’ATD Quart Monde présentent leur travail au Conseil de l’Europe, à Strasbourg, en avril 2023. © ATD Quart Monde