Volontaire permanent depuis dix ans, Michel Besse coordonne l’équipe d’appui du Collectif Refuser la misère qui réunit une soixantaine d’organisations pour la Journée mondiale du refus de la misère.
Dans les couloirs de la Maison Quart Monde France, à Montreuil, il n’est pas rare de voir Michel déguisé, un mégaphone à la main, se préparant à animer la Journée mondiale du refus de la misère, au Trocadéro, ou une sortie avec des jeunes. C’est à la Fédération nationale des Francas, un mouvement d’éducation populaire, qu’il a trouvé, il y a plus de 30 ans, son goût pour l’animation et surtout pour la mobilisation d’un groupe autour d’un projet commun.
Alors qu’il est directeur d’un centre de loisirs à Bayonne, il reçoit pour mission d’aller chercher des enfants qui ne partent jamais en vacances. On lui conseille alors de rencontrer une famille, dans la cité d’Habas-La Plaine. “Quand je suis arrivé, la mère faisait cuire les aliments sur les débris de la porte d’entrée, car il n’y avait plus de gaz depuis trois mois”, se souvient-il. “Elle a sorti tous ses papiers pour inscrire ses enfants. Dans ses mains, j’avais l’impression que c’était des épines. Elle avait des droits, mais elle n’y avait jamais accédé. Pour cela, il fallait savoir lire, se présenter dans une administration…”
Dans la pièce, Michel remarque qu’une jeune fille joue avec les cinq enfants. Elle rassure aussi la mère en lui disant que ce camp de vacances est une bonne idée pour les aînés et qu’ils pourront montrer leurs photos à leurs amis, au retour. Alliée d’ATD Quart Monde, elle explique à Michel qu’elle vient chaque vendredi dans cette famille.
Une fois le camp terminé, elle l’invite à revenir dans la cité pour voir les diapositives ramenés par les enfants. “Je me suis retrouvé avec 30 familles qui ont applaudi et félicité cette mère et ses enfants et m’ont offert du gâteau. Moi, j’étais persuadé que cette famille ne pouvait pas avoir d’amis et surtout qu’un tel dénuement ne pouvait pas exister à 3 km de chez moi. Toutes mes convictions ont été bouleversées”, se rappelle-t-il.
Enracinement dans les quartiers
Trois ans plus tard, en 1993, Michel décide de devenir prêtre. Pendant 17 ans, il exerce dans des zones rurales, au Paraguay, au Mexique, puis à Bagneux, près de Paris. Il conserve un lien avec ATD Quart Monde en recevant la Lettre aux amis du monde publiée par le Forum du refus de la misère. “Quand j’étais au fin fond du Paraguay, c’était la seule lettre qui m’arrivait par la Poste.” Ce courrier est pour lui “le fruit des amitiés que crée ATD Quart Monde sur les cinq continents”.
En 2010, il s’engage en tant que prêtre-ouvrier avec la Mission de France et frappe à la porte d’ATD Quart Monde pour devenir volontaire permanent. Il travaille quelques mois sur la préparation de la Journée mondiale du refus de la misère, puis à la Dynamique jeunesse et s’installe, de 2012 à 2017, en République centrafricaine. Là, il vit des 17 octobre très variés. “Certaines années, nous étions libres de nous réunir à Bangui avec près de 300 personnes. Mais parfois, en raison de la guerre civile, nous avons vécu cet événement en secret, dispersés. Les familles invitaient discrètement leurs voisins et amis chez eux.”
Il quitte la Centrafrique pour le Val-d’Oise où il découvre que le 17 octobre a “un vrai enracinement dans certains quartiers. À Villiers-le-Bel ou Éragny, des associations, des bibliothèques et des centres sociaux portent cet événement de manière très vivante.”
“Rendez-vous pour des combats futurs”
Depuis 2019, il coordonne l’équipe d’appui du Collectif Refuser la misère, qui compte en France 64 associations engagées pour la Journée mondiale du refus de la misère. Il se démène pour “appuyer la débrouillardise” des 120 villes françaises dans lesquelles des actions sont organisées le 17 octobre. “Pour moi, cette date est d’abord un plaisir, celui de montrer que notre société n’est pas aveugle. Évidemment, on peut dire qu’une journée, ce n’est pas suffisant. Mais, une fois qu’on a vu ce qu’est la misère et ce dont les familles du Quart Monde sont capables, on ne peut plus affirmer qu’on ne savait pas. C’est aussi un plaisir de se donner des rendez-vous pour des combats futurs, avec d’autres associations.”
Toujours curieux de découvrir de nouvelles manières de faire participer le plus grand nombre, il va notamment à la rencontre de mouvements de jeunes engagés sur les questions écologiques et sociales. “Je suis sensible à leurs interrogations fortes sur les victoires possibles contre la misère dans un avenir proche. Leur questionnement rejoint ceux des familles du Quart Monde : elles sont dans l’urgence pour résoudre un problème de santé, de logement, de droits, mais elles savent aussi que toute urgence doit trouver une réponse inscrite dans la durée. Ce dialogue est passionnant au sein du Collectif.”
L’un de ses plus beaux souvenirs est le 17 octobre 2019, sur le thème des droits de l’enfant. “Une jeune fille vivant dans un centre d’hébergement d’urgence a expliqué au micro qu’elle souhaitait devenir médecin, mais que le fait d’habiter au milieu des cafards la démoralisait. À ses côtés se tenait la Défenseure des enfants. Ces deux femmes, l’une pleine d’espoir, l’autre pleine de responsabilités ont parlé ensemble sur scène. Pour moi, c’est une des plus belle image de ces dernières années”, raconte-t-il.
Avant de s’embarquer en 2022 pour une mission auprès des personnes du Quart Monde des Philippines, il espère que son meilleur souvenir sera celui du 17 octobre 2021, où on devrait, peut-être, le voir déguisé en baleine. “Je sais que c’est une commémoration, mais pour moi, c’est avant tout un moment de fête où le sourire permet tous les combats”, conclut-il. Julie Clair-Robelet
Cet article est issu du Journal d’ATD Quart Monde d’octobre 2021.
Photo : Michel Besse à la Maison Quart Monde France à Montreuil, septembre 2021. © JCR