Vone Lancelot a fait partie de la première promotion des stagiaires de l’expérimentation OSEE (Osons les savoirs de l’expérience de l’exclusion) et a appris à mettre en avant ses compétences pour se lancer dans une formation.
À 57 ans, Vone avoue qu’elle s’est enfin “réconciliée avec l’école”. Après un an de formation pré-qualifiante dans le cadre de l’expérimentation OSEE, elle a obtenu le certificat professionnel CléA. Elle est actuellement en alternance pour obtenir le Diplôme d’état d’accompagnement éducatif et social. “Les cours ne sont pas trop scolaires, ce sont surtout des intervenants qui viennent parler de leur pratique. En même temps, je suis en stage au sein de l’association Un toit, c’est un droit et cela me plaît énormément”, explique-t-elle.
Obtenir un diplôme représente pour elle une reconnaissance, “la professionnalisation de mon envie de solidarité pour diminuer la précarité, aider les personnes fragiles, être là pour les autres”. Vone n’imaginait pas qu’elle pourrait, un jour, être heureuse de retourner sur les bancs de l’école. “Je n’aimais pas l’école. Je n’y suis jamais allée. J’avais peur du regard des autres, du dehors, de tout ce que je ne connaissais pas.” En fin de CM2, elle arrête définitivement sa scolarité et reste la plupart du temps enfermée chez elle.
“Un endroit où être écoutée”
Elle a 28 ans quand elle rencontre une alliée d’ATD Quart Monde, alors qu’elle est, à cette période, mère de jumeaux et “dans une mouise pas possible”. L’alliée lui présente les Universités populaires Quart Monde. “Quand elle a commencé à me dire qu’il y avait un endroit où les gens pouvaient m’écouter, prendre du temps avec moi, j’ai trouvé que c’était nouveau, parce que j’avais tendance à me battre toute seule. J’étais vraiment surprise par le fait que des personnes, qui n’étaient pas de ma famille, soient prêtes à m’aider”, se souvient Vone.
Pendant presque un an, elle se rend aux Universités populaires pour écouter, observer, en comprendre le fonctionnement. “Peu à peu, j’ai vu que des professionnels de l’action sociale, des chercheurs ou des élus voulaient essayer de comprendre ce qu’on vivait et qu’il était possible d’améliorer certaines lois.”
Vone découvre ensuite la Maison Quart Monde de Rennes, où elle vient régulièrement prendre un café. Au fil de ses visites, elle s’intéresse plus particulièrement à la bibliothèque de la Maison Quart Monde. Timidement, elle regarde d’abord les livres avec les images, puis écoute, pendant des heures, d’autres membres parler des ouvrages qu’ils aiment ou des auteurs venus présenter leur livre. “Moi qui suis un peu sauvage, qui ne parle à personne, ATD Quart Monde a su venir me chercher, a vu que j’avais besoin d’aide d’un point de vue administratif, mais aussi besoin de contacts. De fil en aiguille, je me suis sentie plus à l’aise pour sortir de chez moi et voir que la vie à l’extérieur n’était pas si violente que ça. Avant, personne ne m’avait jamais aidée, parce que je ne me laissais pas approcher.”
Créer des projets
Vone comprend qu’elle aussi peut apporter son aide aux autres, reconnaît facilement “ceux qui sont enfermés, complètement bloqués”, comme elle a pu l’être auparavant. Elle tente à son tour de les inciter à s’ouvrir au monde. Elle participe également aux actions menées par ATD Quart Monde avec les écoles, pour permettre à tous les enfants de réussir, puis se lance, début 2020, dans l’expérimentation OSEE. “Grâce à cette formation, j’ai appris à mieux me connaître, à mettre en avant mes compétences aussi bien professionnelles que personnelles et à définir ce dont j’avais envie.”
Après avoir fait des ménages pendant 28 ans, sans diplôme, et alors qu’elle a trop souvent entendu qu’elle n’était “pas capable”, elle constate qu’elle est “adaptable et autonome” et qu’elle sait prendre des initiatives. “Je ne savais pas que ce que je faisais depuis des années pouvait s’appeler des projets et que cela nécessitait une méthode, que je maîtrisais.” Vone a ainsi créé dans son quartier, en 2013, un “temps convivial, toutes les semaines, auprès des personnes vivant l’isolement“. Elle a également mis en place, avec d’autres habitants du quartier de Maurepas, une “zone de gratuité”, pour éviter le gaspillage et promouvoir l’entraide et la solidarité entre voisins. “Tout cela continue, des années après. Moi, j’avais fait ça sans savoir que c’était un projet et que cela pouvait être mis en avant”, souligne-t-elle.
Quand elle repense à celle qu’elle était il y a une trentaine d’années, elle se trouve “complètement transformée”. “Je pensais qu’une fois que mes enfants seraient grands, je vieillirais dans un appart, seule”, se souvient-elle. Aujourd’hui, elle a l’ambition “d’avancer”, de mettre en pratique son diplôme en travaillant dès qu’elle l’aura et surtout de “permettre à d’autres personnes de trouver la même niaque” qu’elle. Julie Clair-Robelet
À noter
Pour la deuxième promotion du projet OSEE, ATD Quart Monde proposera, à partir de janvier, un nouveau cycle d’accompagnement de 15 mois. L’objectif est de permettre à des personnes qui ont envie de travailler dans le domaine du social, de l’animation, de la médiation ou de la petite enfance, d’accéder par la suite à une formation qualifiante de leurs choix dans ces domaines.
Profil recherché :
- Avoir entre 20 et 55 ans ;
- Avoir quitté très tôt l’école ;
- Avoir une expérience d’engagement au sein d’ATD ou dans autre une association ;
- Avoir un intérêt pour les métiers du social et de l’animation ;
- Se reconnaître d’une certaine expérience de l’exclusion et/ou de la pauvreté ;
Renseignements et contacts : 07 78 49 50 85 / sofia.martinez@atd-quartmonde.org
eric.bourcier@atd-quartmonde.org
Cet article est extrait du Journal d’ATD Quart Monde de décembre 2021.